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par Jean-Marc LEBOUT

♦ Article paru dans le n° 96 de la Revue Musiques Mécaniques Vivantes de l’AAIMM ♦

La musicalité de la boîte à musique a, dès sa genèse, été une préoccupation importante des fabricants ou établisseurs de cartels. Il en allait tout simplement de la survie de cette nouvelle activité que l’on ne peut pas encore qualifier, à ce moment-là, d’industrie. Si la finesse des arrangements musicaux, déterminés pour une gamme simple, a été la première étape et en reste de loin la plus importante, par la suite c’est au niveau des gammes et de leurs utilisations que se sont portées les recherches. Nécessité de faire évoluer la boîte à musique, de la diversifier mais aussi de se différencier entre fabricants.

Retrouvez d’autres articles dans la rubrique Témoignages


Les usines Paillard d’après une photo de 1950

C’est à Charles Paillard [1] ( – 1895) que nous devons la mise au point et la description de ce nouveau principe qui sera très en vogue sur les cartels de la quatrième et cinquième époque.

Il prend pour cela, en 1875, des brevets sur les deux plus gros marchés à l’exportation de son entreprise que sont l’Angleterre (brevet 3697 du 26 octobre 1874) et les Etats-Unis (brevet 161055 du 23 mars 1875).

Il s’y assure ainsi une exclusivité temporaire. En 1887, il déposera aux Etats Unis un second brevet (n°369258 en date du 30 août 1887) qui porte sur une amélioration au niveau du clavier, dit le brevet, mais qui n’est en réalité qu’une adaptation, déjà évoquée mais non décrite, au principe établi douze ans plus tôt.

Ces évènements montrent deux choses : la maison Paillard, connue pour son intégration industrielle des divers métiers liés à la boîte à musique mais aussi pour l’exigence de qualité mécanique de ses fabrications, reste très attentive à la qualité musicale et aux aspects musicaux en général.

Charles Paillard représente, avec ses cousins Alfred et Ernest, la troisième génération aux commandes de l’entreprise mais c’est lui qui en est le responsable recherche et développement, dirionsnous aujourd’hui. Les cousins n’en sont cependant pas moins importants, Ernest gère l’activité de production à Sainte-Croix et Alfred la commercialise aux Etats- Unis.

Il y a donc un Paillard aux principales fonctions stratégiques de l’entreprise ce qui assurera la pérennité de l’activité mais aussi, un peu plus tard, les choix judicieux de sa diversification dans les machines parlantes. Cela explique pourquoi Charles Paillard est régulièrement le signataire ou le cosignataire des brevets déposés.

Les pages suivantes de l’article sont consacrées à la présentation des brevets originaux et à leur traduction. Ces textes qui n’ont rien de littéraire, ont la particularité de rester assez généraux et suffisamment vagues. Ils permettent de définir assez précisément l’objet du brevet, de garder un champ d’application et de mise en oeuvre le plus large possible auxquels l’auteur n’aurait peut-être, lui-même, pas pensé mais dont il pourrait cependant revendiquer les droits à posteriori.

Je vous propose la version originale américaine et la traduction que j’ai faite.

To all whom it may concern :

Be it known that I, CHARLES PAILLARD, of St. Groix, Canton de Vaud, Switzerland, have invented certain Improvements in Musical Boxes, of which the following is a specification :

My invention relates to musical boxes, in which the music is produced by the action of a pin-studded cylinder on metal prongs arranged in graduated scale and known collectively as a comb.

Prior to my invention, so far as known to me, musical boxes were furnished with but one comb, and but a feeble and metallic sound was obtained, while, if more volume of sound was desired, larger and more numerous prongs or vibrators were used, thus diminishing the pitch and lengthening the duration of vibration, the effect of which was to cause interference of the vibrations or soundwaves, and destroy the harmony and produce discord ; and thus this system presented many imperfections regarding clearness, tone, harmony, and expression.

My invention is designed to remedy these imperfections ; and consists in combining, with a revolving music-cylinder, two or more combs, the similar notes or vibrators of which are of similar pitch or nearly so, or in combining with the said cylinder two or more series of scales on one comb-plate, the similar notes in all of which are of one pitch, or nearly so, as will be fully hereafter set forth.

Figure l represents a plan view of my improvement in musical boxes.

Fig. 2 is a diagram illustrating the arrangementof the notes in the combs.

As the frame or bed-plate, to which the other parts of the instrument are secured ; B, the cylinder, having its bearings at a a ; C, the box inclosing the motivespring  ; b c, the gears for revolving the cylinder, and d e f g the mechanism for regulating and controlling the motion of the cylinder. D D D are the combs on which the notes on the cylinder act to produce music. These combs may be formed on one plate, or may be in separate sections.

Pour tous ceux que cela peut concerner :

Il faut que l’on sache que moi, Charles Paillard, de Sainte-Croix, Canton de Vaud, Suisse, j’ai inventé certaines améliorations pour les boîtes de musique, dont ce qui suit est la spécification :

Mon invention concerne les boîtes à musique, où la musique est produite par l’action d’un cylindre garni de picots sur un ensemble de lames métalliques, disposées selon une gamme ordonnée, et qui est mieux connu sous le nom de ‘clavier’.

Avant mon invention, et pour autant que je sache, les boîtes à musique étaient construites avec un seul clavier, mais ne produisant qu’un son faible et métallique, alors que, si plus de volume sonore était souhaité, il fallait des lames plus larges et plus nombreuses dont les vibrations diminuent en hauteur et en longueur.

Cela a pour conséquence de causer des interférences dans les vibrations ou ondes sonores, de détruire l’harmonie et de produire une confusion ; cette disposition présente de nombreuses imperfections en regard de la clarté, du ton, de l’harmonie, et de l’expression.

Mon invention est conçue pour remédier à ces imperfections ; et consiste à combiner un cylindre pointé avec deux ou plusieurs claviers, dont les lames identiques ont un même ton, ou très proche, ou en combinant deux ou plusieurs séries de gammes sur un seul clavier, les lames identiques ayant un même ton ou presque ; comme cela sera détaillé ci-dessous.

Figure l : représente une vue en plan de mon amélioration des boîtes à musique.

Figure. 2 : est un schéma illustrant l’agencement des notes sur les claviers.

A, est la platine, à laquelle sont fixés les autres parties de l’instrument ;

B, indique le cylindre, avec ses supports ‘a et a’ ;

C, indique le barillet contenant le ressort ;

b c, sont les engrenages pour faire tourner le cylindre ;

d e f g, sont les mécanismes de régulation et de contrôle du mouvement du cylindre.

D D D sont les claviers sur lesquels les picots du cylindre agissent pour produire de la musique.


There being more than one comb to each cylinder, shorter prongs or vibrators can be used, consequently producing vibrations of less duration, and the said prongs not vibrating beyond measure, do not produce that confusion and indistinctness in the melody and in the harmonic accompaniments which were always noticeable in musical boxes prior to my invention, and especially in those where numerous prongs were used.

In musical boxes the scale of notes differs from that in the piano, as only the notes necessary to render the pieces the box is intended to play are embodied in the scale, and as the vibration of the prong prevents its being operated upon by the note or pin projecting from the cylinder, it often occurs that two or more similar notes are embodied in one scale, to be repeatedly quickly, one after another, as occasion may require.

In arranging the notes of similar pitch I distribute them as evenly as circumstances will admit among the several scales. Where the number of scales is an exact divisor of the total number of similar notes each scale has a similar number of such notes, but where this is not the case one scale will have less than the others. This will be readily understood by reference to Fig. 2 of the drawings.

This renders the scales as nearly similar to each other as possible.

In tuning the prongs of the sundry combs of the same tone I introduce a very slight dissonance, and the fact of this dissonance, and the prongs of same sound being separated, produces a more powerful and harmonious sound than could be produced by the old system in musical boxes.

It the object of the box is to produce a more powerful and harmonious tone than that of other musical boxes, it is only necessary to let the same air be played completely by two or more combs ; but if I wish to produce the different shades of musical expression, such as the “pianos’’ the “crescendos’’ the “forte’’ the “decrescendos, &c., I let one or more combs play at a time, according to the effect I wish to produce.

It must be understood, also, that in some compositions only parts are played on each comb-that is, the piece is divided among the different combs, each playing certain notes.

In this performance the great power of expression of the improvement is displayed, it being in musical boxes what touch is in piano performance, as by it the power of any separate note may be increased or diminished, and all the edect ofthe pedalin the piano produced.

I am aware of musical boxes having two combs, one large and another smaller. The prongs of the latter comb are weakened considerably in order to play the soft parts ; but only two shades of expression can be introduced-the fortes and the pianos-and in a very different way from that observed in my invention where none of the combs are weakened, and where the expression is obtained by the use of one or more prongs of the same sound in the different combs.

I am also aware that in many large musical boxes the comb is made in two sections, one section containing` the high, and the other the low, notes, thus in reality forming but one scale.

The arrangement of the music on the cylinder will, of course, be in sections to correspond to the combs and to render the different shades of expression. Thus, when a part is piano, the cylinder will act on one comb, when crescendo, on two, and when forte, on all three at once, producing ay striking effect, and one which it is impossible to produce on the ordinary musical box, in which the nearest approach to it would be playing, on octaves, the defect of which has already been alluded to.

I claim

1. ln a musical box, two or more scales of vibrators, the similar notes in all of which are of one and the same pitch, or nearly so, sub stantially as described and specilied.

2. The combination, with the cylinder B, of the series of combs D, the similar notes in all of which are of one and the same pitch, constructed and arranged to operate substantially in, themanner described and specified.

CHARLES PAILLARD.

Witnesses :

Constant Jaccard,

Georges Bornand.


Ces claviers peuvent être formés d’une seule plaque, ou formés de plusieurs sections distinctes.

S’il y a plus d’un clavier face au cylindre, des lames plus courtes peuvent être utilisées, produisant par conséquent des vibrations de moindre durée, et lesdites lames ne vibrant pas plus que nécessaire, elles ne produisent pas cette confusion et cette indistinction dans la mélodie et dans les accompagnements harmoniques ce qui étaient toujours perceptibles dans les boîtes à musique avant mon invention, et notamment dans celles où de nombreuses lames sont utilisées.

Dans les boîtes à musique, la gamme de notes diffère de celle du piano, dans la mesure où seules les notes nécessaires pour jouer les airs sont incorporées dans la gamme, et comme la vibration de la lame l’empêche d’être rejouée par la goupille du cylindre, il arrive souvent que deux ou plusieurs notes similaires sont présentes dans la gamme et qu’elles soient répétées rapidement, l’une après l’autre, quand les circonstances le demandent.

Pour organiser ces notes d’un même ton, je les distribue aussi régulièrement que les circonstances le permettent dans les différents claviers.

Lorsque le nombre de gammes est un diviseur exact du nombre total de lames similaires, chaque gamme a alors le même nombre de ces notes ; mais lorsque cela n’est pas le cas, une gamme aura moins de lames que les autres.

Cela sera facilement compris en se référant à la figure 2 des dessins.

Ceci rend les gammes aussi proches que possible les unes des autres.

En accordant les lames d’un même ton présentes dans les différents claviers, j’amènerai une très légère dissonance, et, du fait de cette dissonance et que les lames d’un même ton soient séparées, cela produit un son plus puissant et plus harmonieux que celui qui pourrait être produit par l’ancien système utilisé dans les boîtes à musique.

Si le but de la boîte est de produire un son plus puissant et plus harmonieux que celui obtenu par les autres boîtes à musique, il est seulement nécessaire de jouer le même air entièrement sur les deux (ou plusieurs) claviers ; mais si je tiens à reproduire les différentes nuances de l’expression musicale, tels que des “pianos”, des “crescendo”, des “forte” ou des “decrescendo” etc… , je fais jouer un ou plusieurs claviers à la fois, selon l’effet que je souhaite produire.

Il faut aussi comprendre que, pour certains airs, seules certaines parties de cet air sont jouées sur chaque clavier autrement dit l’air est divisé entre les différents claviers, chacun ne jouant que certaines notes. C’est dans cette configuration que l’amélioration des qualités d’expression s’affiche le mieux, on applique à la boîte à musique le principe du toucher pianistique ; que, comme pour le piano, la puissance de chaque note puisse être augmentée ou diminuée, et tous les effets possibles du pédalier du piano reproduits.

Je suis conscient de l’existence de boîtes à musique comportant deux claviers, un grand et un autre plus petit. Les lames du second clavier sont considérablement affaiblies afin de jouer les parties faibles de l’air ; mais seulement deux nuances d’expression peuvent être introduites, les fortes et les pianos, et d’une façon très différente de celle observée dans mon invention dans laquelle aucun des claviers n’est affaibli, et où l’expression est obtenue par l’utilisation d’une ou plusieurs lames du même ton présentes sur les différents claviers.

Je suis aussi conscient que dans de nombreuses grandes boîtes à musique le clavier est réalisé en deux sections, une section de basses et l’autre d’aigues, les notes ne formant, en réalité, qu’une seule gamme.

L’arrangement de la musique sur le cylindre sera disposé en tenant compte des gammes correspondantes aux claviers et à rendre les différentes nuances d’expression. Ainsi, quand une partie de l’air est ‘Piano’, le cylindre va agir sur un clavier, quand il est ‘Crescendo’, il agira sur deux claviers, et pour le ‘Forte’, il agira sur les trois claviers à la fois, en produisant un effet saisissant, et qu’il est impossible d’obtenir avec une boîte à musique ordinaire, pour laquelle, jouer à l’octave, est la plus proche des comparaisons mais avec les défauts auxquels j’ai déjà fait allusion.

Je prétends :

1 – Dans une boîte à musique, avec deux ou plusieurs gammes de lames, les notes identiques sont toutes du même ton, ou presque, comme décrit et spécifié.

2 – La combinaison entre le cylindre B, la série D de claviers et les notes semblables qui sont toutes d’un seul et même ton, est construite et agencée pour fonctionner de la manière décrite et précisée.

Charles Paillard

Les témoins :

Constant Jaccard et Georges Bornand.


To all whom it may concern :

Be it known that we, CHARLES PAILLARD and LOUIS RECORDON-SULLIGER, of Ste. Croix, in the Republic of Switzerland, have invented certain new and useful Improvements in Combs for Musical Boxes, of which the following is a specification.

Heretofore the musical boxes known as “sublime harmony” boxes have been constructed with two or more combs so tuned and arranged that teeth of the same pitch or having a slight dissonance were provided in the several combs, whereby a greater volume of the same tone could be produced without having the sound Waves interfere with each other.

The object of my invention is to provide a new and improved comb for musical boxes provided with two or more teeth of the same pitch or having a slight dissonance, the teeth being separated sufficiently to prevent interference of sound.

The invention consists in a comb for musical boxes in which the teeth decrease in length and increase in pitch from the ends to the middle.

In the accompanying drawings, Figure l is a top view of my improved comb for musical boxes. Fig. 2 is a plan view of a musical box provided with my improved comb.

Similar letters of reference indicate corresponding parts.

The steel plate A is slitted or cut to form a series of teeth, B, which produce sounds when vibrated, some of which teeth are to be provided with the usual leads on the under side.

The teeth decrease in length from the ends to the middle-that is, they are longest at the ends and shortest at or near the middle-and thus the pitch of the sounds produced by the teeth increase from the ends to the middle of the comb. There will be teeth of the same pitch or having a slight dissonance in each half or section of the comb, and, as the said teeth are separated a greater or less distance, their sounds will not interfere and deaden each other when both teeth are sounded simultaneously.

There may be two or more teeth tuned to the same pitch adjacent to each other in each half of the comb, which teeth are used in producing tremolo andlike sounds, the adjacent teeth of the same pitch being vibrated in rapid succession ; but for producing a volume of sound the two like teeth in the two sections are to be sounded together. In the drawings the teeth are marked by letters to designate their tones. It may happen that in one section there are three or more teeth of the same pitch adjacent to each other and but a single tooth of the same pitch in the other section. In all cases the lengths of the teeth decrease toward the middle. It is not absolutely necessary that the shortest tooth is precisely at the middle of the comb, as it may sometimes happen that it is more or less to one side of the middle, on account of a greater number of teeth in one section of the comb.

A single comb can be adjusted more easily and nicely than two combs, there is less liability of the parts rattling, all parts. can be fitted more accurately, and one comb costs less than two.

Having thus described our invention, we claim as new and desire to secure by Letters Patent—

1. A comb for musical boxes, having teeth decreasing in length from the ends of the comb toward the middle, as set forth.

2. In a musical box, a comb having teeth increasing in length from the ends to the middle, whereby the comb is divided into two sections, the similar notes in the two sections having the same pitch, or nearly so, substantially as shown and described.

3. In a musical box, the combination, with a movable object having projections for vibrating teeth, of mechanism for actuating said objects, and of a comb having teeth decreasing in length from the ends to the middle, substantially as herein shown and described.

In testimony that we claim the foregoing as our invention we have signed our names in presence of two subscribing witnesses.

CHARLES PAILLARD.

LOUIS REGORDON-SULLIGER.

Witnesses :

PH. GENTON,

GEORGES BORNAND.


Pour tous ceux que cela peut concerner :

Il faut qu’on sache que nous, Charles Paillard et Louis Recordon-Sulliger, de Ste.-Croix, de la République de la Suisse, avons inventé certaines améliorations, nouvelles et utiles, aux claviers des boîtes à musique, dont voici la description.

Jusqu’à présent, les boîtes à musique appelées “Sublime harmonie” sont construites avec deux ou plusieurs claviers ainsi disposés et accordés de manière à ce que les lames d’une même hauteur ou ayant une légère dissonance soient réparties entre les différents claviers, grâce à quoi, un plus grand volume sonore de la même tonalité est produit mais sans créer d’interférence sonore entre les lames.

L’objet de mon invention est de proposer un clavier, nouveau et amélioré, destinés aux boîtes à musique où deux ou plusieurs lames de la même tonalité ou ayant une légère dissonance, sont suffisamment espacées pour éviter les interférences de son.

L’invention consiste en un clavier pour boîtes à musique dans lequel les lames décroissent en longueur et augmentent de hauteur de son de ses extrémités vers le milieu du clavier.

Dans les dessins annexés, la figure 1 est une vue de dessus de mon clavier pour boîte à musique. La figure. 2 est une vue en plan d’une boîte à musique munie de ce nouveau clavier.

Les références sous forme de lettres indiquent des lames similaires.

La plaque d’acier A est fendue ou coupée pour former un série de lames, B, qui produisent des sons lorsque mises en vibration ; certaines sont lestées de plomb. Les lames diminuent en longueur à partir des extrémités vers le milieu, autrement dit, elles sont les plus longues au bord et plus courtes au milieu ou à proximité du milieu de clavier. La hauteur des sons produite augmente à partir des extrémités vers le milieu du clavier. Il y aura des lames du même ton ou ayant une légère dissonance dans chaque moitié ou section du clavier et, comme les dites lames sont séparées d’une distance plus ou moins grande, leurs sons n’interféreront ni ne s’amortiront l’un l’autre lorsque les deux sont jouées simultanément. Il peut y avoir deux ou plusieurs lames accordées au même ton et adjacentes dans la même moitié du clavier mais qui sont utilisées pour l’obtention d’un effet ‘Trémolo’ ou similaire, les lames adjacentes d’un même ton sont mises en vibration en rapide succession ; mais, pour produire un volume du son, les deux lames identiques présentes dans chacune des parties du clavier sont jouées simultanément. Dans les dessins, les lames sont marquées par des lettres pour désigner leur tonalité. Il peut arriver que dans une section il y ait trois ou plusieurs lames de la même hauteur à côté l’une de l’autre et seulement une seule lame de cette même hauteur dans l’autre section. Dans tous les cas, la longueur des lames diminue en s’approchant du milieu. Il n’est cependant pas absolument nécessaire que la lame la plus courte soit précisément au milieu du clavier, comme cela peut parfois se produire si un plus grand nombre de lames est nécessaire dans une des sections du clavier.

Un seul clavier peut être accordé plus facilement et mieux que deux claviers différents, il y a moins de risque de vibration des pièces, toutes les pièces peuvent être montées de façon plus précise et un clavier coûte moins cher que deux.

Ayant ainsi décrit notre invention, nous la déclarons nouvelle et désirons la breveter.

1. Un clavier pour boîtes à musique, ayant des lames diminuant de longueur à partir des extrémités du clavier vers son milieu, comme indiqué.

2. Une boîte à musique, ayant un clavier comportant des lames qui augmentent de longueur depuis les extrémités vers le milieu, de sorte que le clavier est divisé en deux sections, les notes similaires dans les deux sections ayant le même ton ou à peu près, comme représentée et décrite.

3. Une boîte à musique, présentant l’association : d’un objet mobile ayant des projections pour faire vibrer les lames, du mécanisme d’actionnement de cet objet et du clavier comportant des lames diminuant de longueur à partir des extrémités vers le centre, comme représentée et décrite ici.

Nous revendiquons, par le témoignage qui précède, que ceci est notre invention, nous avons apposé nos noms en présence de deux témoins signataires.

Charles Paillard, Louis Recordon-Sulliger

Témoins : Ph. Genton, Georges Bornand


Le prototype du brevet de 1874

Prototype du cartel déposé en même temps que la demande de brevet. Trois claviers identiques de 30 lames. En haut à droite le scellé de mise en dépôt. L’inspection du cartel montre l’absence de la croix de Malte, d’étouffoirs sous les lames, du rubis, du ressort dans le barillet, du volant du régulateur et de picots sur le cylindre !!! C’est beaucoup pour une boîte à musique… qui n’en jouera définitivement jamais. © Collection Marty Persky – USA

Etiquette originale d’identification accompagnant le prototype. © Collection Marty Persky – USA

Documents postérieurs identifiant le cartel comme appartenant au Service des Brevets puis passé entre les mains d’un couple de collectionneurs d’objets déposés en temps qu’exemple de brevet. C’est à l’occasion de la vente de cette collection que Monsieur Persky s’en est porté acquéreur. © Collection Marty Persky – USA

Le dépôt d’un brevet aux Etats-Unis s’accompagnait de la remise du prototype qui faisait l’objet d’une demande de protection juridique. Cette pratique ne

 

 

Le dépôt d’un brevet aux Etats-Unis s’accompagnait de la remise du prototype qui faisait l’objet d’une demande de protection juridique. Cette pratique ne s’est pas maintenue très longtemps et, par la suite, seul le descriptif de la demande faisait foi.

De ce fait, le premier brevet de Charles Paillard, celui du 19 novembre 1874 et requérant encore cette obligation de dépôt, était accompagné d’une boite à musique tel que figurée dans le texte. Par chance et sans doute aussi le plus grand des hasards, cette boite à musique ne s’est pas perdue et a été récupérée dans une vente publique par Monsieur Marty Persky, un collectionneur américain passionné et avisé. C’est à l’occasion d’une visite de sa collection, effectuée en marge de la convention de la MBSI, que j’ai eu la chance de voir cette pièce unique.

Il est certain d’être en présence de cet objet-là pour la simple et bonne raison que celui-ci est encore accompagné du scellé de mise en dépôt et de son étiquette d’identification. Mais cette certitude se confirme encore par le fait que le cylindre disposé dans la mécanique n’est garni d’aucun picot, que le bloc modérateur est sans volant et que le barillet est sans ressort.

Ce prototype n’a donc jamais émis le moindre son, c’est juste un visuel ! C’est d’autant plus intéressant que, ni lui ni moimême, nous n’avons connaissance d’un cartel ‘Sublime Harmonie’ à trois claviers identiques tel que décrit dans ce brevet.

La mise en pratique du brevet s’en est donc éloignée quelque peu comme le montre les différents exemples de ‘Sublime Harmonie’ réellement construites et que je cite plus loin dans cet article.

Quelles informations tirer de ces brevets ?

Le brevet de 1875 décrit une boite à musique d’un genre nouveau alors que celui de 1887 se concentre uniquement sur le clavier. Le terme ‘Sublime Harmonie’ n’apparait pas dans le premier brevet mais bien dans le second.

Ces brevets sont une nouveauté dans la mesure où Ch. Paillard va volontairement réduire la gamme de base disponible pour l’arrangement musical. La boîte à musique ancienne, comme il dit, développe jusqu’alors une gamme de plusieurs octaves, tel que l’offre la gamme du piano, à la différence que la gamme des boîtes à musique n’est pas nécessairement chromatique.

En prenant une gamme plus restreinte, une seule octave (comme dans le plan des deux brevets), mais qu’il va dupliquer deux ou plusieurs fois sous la forme de claviers différents et en les accordant avec une légère dissonance, il va :

• pouvoir moduler la force et obtenir des effets de volume sonore.

Comment ? En pointant l’air sur le cylindre de manière à faire jouer un, deux ou plusieurs claviers à la fois, il obtient ces effets de volume. (Cette description n’est pas sans rappeler le genre ‘Piano Forte’ qui n’a jamais été réellement breveté parce que développé très tôt dans l’histoire de la boite à musique. Il y fait d’ailleurs allusion dans le brevet de 1875). Dans ce brevet du genre ‘Sublime Harmonie’, tous les claviers ont la même intensité sonore alors que, dans le genre ‘Piano Forte’, le clavier ‘piano’ a subi une détrempe différente du clavier ‘forte’ et a, ainsi, une intensité sonore moindre.

• enrichir la chaleur musicale du répertoire. Comment ? par l’accordage dissonant càd en accordant à une fréquence légèrement différente mais de quelques hertz ou un comma (+/- 1/10e de ton) seulement.

Une lame ‘La’ 440 Hz sera accordée sur un autre clavier dans une fourchette de 5 Hz soit entre 435 et 445 Hz. Plus on va s’écarter de ces valeurs, plus la note va se rapprocher d’un sol# ou d’un sib et risquer de donner l’impression de désaccord et plus de dissonance.

• tenir compte du positionnement des lames identiques sur les différents claviers pour judicieusement les faire vibrer.

Pourquoi ? Il s’est aussi rendu compte qu’avec des lames plus courtes, plus épaisses et plus larges [2], il obtient un son plus puissant et plus bref et qu’en outre, la disposition en claviers distincts lui permet une répartition spatiale des notes identiques entre les différents claviers, ce que ne permet pas un clavier de gamme simple.

Cette disposition atténue les distorsions de son qui peuvent apparaitre quand deux lames identiques et contigües vibrent quasi simultanément.

Comment ? Par un pointage du cylindre qui tient compte de la raison pour laquelle les notes similaires sont jouées : simultanément pour augmenter le volume ou successivement pour obtenir un effet de trémolo ou mandoliné mais en ayant soin de les choisir non contiguës [3].

Le deuxième brevet est déposé assez tardivement et je présume que la raison est de pouvoir se différencier des productions des concurrents qui ont copié le genre et dont il est bon de leur rappeler qu’il en est l’inventeur.

Cette variante garde les fondamentaux évoqués ci-dessus mais la répétition des gammes, jusqu’alors distinctement visible sous la forme de claviers séparés, est arrangée au sein d’un clavier unique en forme de chevron.

Il est intéressant de noter que, dans ce brevet, Ch. Paillard avance la réduction de coût de fabrication que génère cette amélioration.

Description de cartels

Le plus souvent, le genre Sublime Harmonie va se présenter sous la forme de deux claviers quasi identiques en nombres de lames mais comportant cependant plusieurs octaves (et pas une seule comme le montre les figures des deux brevets) ; les claviers comptent entre une cinquante de lames ce qui est nécessaire pour un arrangement musical de bonne qualité.

Mais ce genre de base va aussi se décliner par des adaptations autres, qui ne participent pas directement à l’effet sublime harmonie, mais vont le modifier ou le rehausser, pour l’accompagner musicalement :

• par l’utilisation de claviers fendus de telle manière à obtenir des lames plus courtes que la normale et ce pour en obtenir une résonnance plus forte, genre défini par l’appellation ‘Sublime Harmonie Fortissimo’.

• par l’accordage d’un des deux claviers à une octave de différence de l’autre, genre appelé ‘Sublime Harmonie Octavo’.

• par l’accordage des deux claviers plus dans les graves, le genre s’appelle ‘Sublime Harmonie Trémolo’, il est très souvent accompagné d’un petit clavier ‘Piccolo’.

• par l’adjonction d’un ou plusieurs claviers supplémentaires comme dans le genre ‘Sublime Harmonie Piccolo’ avec un clavier supplémentaire comprenant une octave plus aigüe, permettant un accompagnement musical des deux claviers principaux, et son utilisation particulière dans la répétition rapide de quelques lames.

• par l’adjonction de claviers non vibrants mais destinés à un jeu de timbres, de tambour et/ou de castagnettes.

Je n’ai pas connaissance d’un cartel alliant ‘Voix Célestes’ et ‘Sublime Harmonie’.

Toutes ces adaptations permettent de varier la musicalité mais aussi de pointer des arrangements un peu différents d’un même air.

Quelques exemples :

Brevet de 1875

Curieuse petite manivelle à deux airs au tour (étiquette de Mermod Frères sous la boîte – 2 airs américains) avec deux claviers de 36 lames. ©Auction Team Breker – Koln.

Cartel signé E. Paillard & Cie, #105153 à cylindres de rechange de 6 airs, modèle ‘Columbia’ avec deux claviers formant le genre ‘Sublime Harmonie’ de chacun 46 lames. © Coll JM Lebout.

Cartel 8 airs de Geo Baker & Co à Genève, #16005. Genre ‘Sublime Harmonie’ dans un système ‘Revolver à cylindre de rechange’. Deux claviers de 40 lames. © Coll JM Lebout.

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Cartel 8 airs, non signé, #3732 avec une carte des airs estampillée J M & Co du revendeur anglais John Manger & Cie. Genre ‘Sublime Harmonie’ dans un système ‘Longue Marche’. Deux claviers de 47 et 45 lames. © Coll JM Lebout.

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Cartel 6 airs de Mermod Frères, #60525. Genre ‘Sublime Harmonie’ dans une présentation de leur système ‘Idéal’. Deux claviers de 38 et 39 lames. Le fabricant ne le mentionne pas comme tel mais les deux claviers sont accordés à une octave d’écart. C’est donc une ‘Sublime Harmonie Octavo’. © Coll JM Lebout.

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Brevet de 1887

Cartel 6 airs de Paillard, #39351. Genre ‘Sublime Harmonie Piccolo’ à deux claviers et non trois. Le clavier unique ‘Sublime Harmonie’ comporte 87 lames réparties en deux sections de ‘45 et 42 lames, le piccolo en a 35. © Coll JM Lebout.

=> Voir la vidéo

Exemples du brevet du 23 mars 1875

https://www.youtube.com/watch ?v=6pT-dnRPiaQ : Boite à musique à manivelle avec double clavier de 36 lames, genre simple, exemple du brevet 1875. (Etiquette Mermod Frères à la base).

https://www.youtube.com/watch ?v=MrQwpSGBM3w : Cartel ‘Sublime Harmonie’ à deux claviers, exemple du brevet 1875. (Dawkins à Genève – 1890). https://www.youtube.com/watch ?v=9KYFn7AI_64 : Cartel ‘Sublime Harmonie’ à deux claviers, montage en boîtier type ‘Boîte de gare’ avec double barillet et animation de 3 poupées dansantes. (Junod à Sainte-Croix – 1890).

https://www.youtube.com/watch ?v=ChvJDQMDeew : Même cartel que dans la vidéo précédente mais avec des accompagnements qui sont prélevés sur les lames vibrantes (6 sur le clavier de droite pour les timbres et 8 sur le clavier de gauche pour les baguettes du tambour). La musicalité est un peu moins riche (Junod ou Cuendet à Sainte-Croix et non Paillard – 1890).

https://youtu.be/o026kqiaQJQ : Cartel 6 airs ‘Sublime Harmonie Octavo’ à deux claviers et cylindres interchangeables. Très puissant, ce calibre ‘Idéal’ est monté dans un coffret destiné à un usage publique, il joue deux airs pour une pièce de monnaie insérée (Mermod Frères vers 1890).

https://www.youtube.com/watch ?v=MSNMAEhQlz0 : Cartel ‘Sublime Harmonie’ à deux claviers. Le cartel est un système ‘Plérodiénique’, l’unique air joué par le cylindre atteint presque 5 minutes. J’ai été très intrigué par les deux protubérances jaillissant au milieu de chacun des claviers pour découvrir que ce sont les manettes d’engagement ou de désengagement du Zither disposé sous le clavier ! Cette disposition est inhabituelle et rendue possible par l’utilisation de lames assez longues pour permettre d’appliquer le zither contre les lames juste derrière les plombs. Le système fonctionne vraisemblablement par un vissage qui rapproche le zither du clavier et non par une manette basculante comme rencontré quand le zither coiffe le clavier. Disposition beaucoup plus esthétique et dont on peut s’étonner qu’elle n’ait pas été plus souvent utilisée. (Paillard à Sainte-Croix – après 1882).

https://www.youtube.com/watch ?v=tLCxx5Wowbg : Cartel ‘Sublime Harmonie’ à deux claviers. Le cartel est aussi du type ‘Plérodiénique’ mais à cylindre fixe donc un seul air pour ce cartel qui joue, sur 6 révolutions, l’ouverture des ‘Diamants de la couronne’ composé par Auber en 1841. (Paillard à Sainte-Croix – après 1882).

https://youtu.be/17uIGp6_9qc : Cartel 6 airs ‘Sublime Harmonie’ à deux claviers. Montage dans un rare système ‘Révolver à cylindres de rechange’. Blanc fourni par Karrer, détenteur du brevet du système et établissage par Géo Baker de Genève.

https://www.youtube.com/watch ?v=pH5kicOcQLc : La carte des airs est utilisée par Junod ou son oncle Cuendet, la référence à J. Manger (inscription sur la plaquette devant le cylindre) nous donne le nom de revendeur anglais qui en a fait la première vente.

https://www.youtube.com/watch ?v=zOU_Jg-VG-M : Cartel ‘Sublime Harmonie Tremolo’ à trois claviers, exemple du brevet 1875. La carte des airs fait référence aux médailles obtenues lors de l’Exposition universelle de Philadelphie de 1876. Le cartel est aussi du type ‘Longue Marche’ avec grande roue intermédiaire et double barillet en parallèle (relire l’article sur les ‘Longue Marche’ paru dans MMV 87). (Paillard à Sainte-Croix).

https://youtu.be/VDRlg1Pc1tI : Cartel 8 airs ‘Sublime Harmonie’ à deux claviers exemple du brevet 1875, genre monté dans un système ‘Longue Marche’ à un barillet et très grande roue démultiplicatrice (Système breveté par Karrer à Teufenthal).

https://www.youtube.com/watch ?v=Gchfhn3jC20 : Cartel ‘Sublime Harmonie Piccolo’ à trois claviers, exemple du brevet 1875. Très bel arrangement de cet air ultra connu et musicalité recherchée avec de petits effets ‘Mandoline’ et, en fin d’air, une utilisation modérée et pas trop criarde de l’effet ‘Picollo’. (Paillard à Sainte- Croix – 1876). On retrouve dans ce cartel la présence des principales améliorations possibles décrites dans le brevet.

https://www.youtube.com/watch ?v=PITHUyhnEgg : Cartel ‘Sublime Harmonie Piccolo’ à quatre claviers, exemple du brevet 1875. La disposition des claviers est intéressante puisque les claviers 1 et 4 forment la ‘Sublime Harmonie’ et sont séparés par deux petits claviers d’une vingtaine de lames qui agissent comme accompagnement et donne l’effet Piccolo.

https://www.youtube.com/watch ?v=_ds5RjgxzIw : Cartel ‘Sublime Harmonie Piccolo et Timbres’ à quatre claviers, exemple du brevet 1875. Dans cette disposition, le quatrième clavier n’est composé que de 6 lames destinées aux 6 timbres, l’accompagnement ne se fait donc pas au détriment des lames vibrantes. L’instrument est aussi à cylindre de rechange. Excellente musicalité.

https://www.youtube.com/watch ?v=-wnKn3vlcWE : Cartel ‘Sublime Harmonie Tremolo’ à trois claviers, exemple du brevet 1875.

https://www.youtube.com/watch ?v=2X1Vbq-Jw-k et https://www.youtube.com/watch ?v=4wncZ7P9aEo : Reuge met encore, de nos jours, le genre ‘Sublime Harmonie’ à l’honneur dans ses productions haut de gamme, deux claviers de 72 lames pour le grand répertoire classique : Mozart, Chopin, Beethoven, Tchaïkovski, Rossini, Rachmaninov…

Exemples du brevet du 30 août 1887

https://www.youtube.com/watch ?v=G5r3lQpCwCo : Cartel 8 airs ‘Sublime Harmonie’ genre simple, (Paillard à Sainte-Croix).

https://youtu.be/D9CsB_72EYI : Cartel 6 airs de Paillard, #39351. Genre ‘Sublime Harmonie Piccolo’ à deux claviers et non trois. Le clavier unique ‘Sublime Harmonie’ comporte 87 lames réparties en deux sections de ‘45 et 42 lames, le piccolo en a 35. (Paillard à Sainte-Croix).

Je pense que ce dernier brevet n’a été pris que pour le marché américain. Vu le peu d’instruments de ce type qu’il m’ait été donné de voir, sa vente en est restée très faible, et il n’a pu supplanter la présentation traditionnelle du genre. Une seule vidéo disponible sur You Tube pour des dizaines de la première disposition est un signe qui ne trompe pas.

Comme nous avons pu le voir avec les quelques exemples visionnés ci-dessus, ce genre musical s’est immiscé dans tous les types de cartels et ce y compris dans les tabatières, un exemple, réalisé par Hermann Thorens, est signalé dans la revue anglaise (The Music Box Vol 7 p 173) avec deux claviers respectivement de 27 et 29 lames.


Je terminerai cette vue d’ensemble sur ce sujet par quelques extraits de documents commerciaux de fabricants ou de revendeurs qui présentent des cartels ‘Sublime Harmonie’ parmi leurs autres propositions.

 

Catalogue du revendeur parisien Georges Dutreich, 15 rue Charlot, adressé à l’horloger F. Bourcy à Peyrat-la-Nonière (Creuse) en aout 1892. (page 9).

Catalogue Mermod Frères n°30 de 1891 – 1892, (page 13) Les quatre références sont toutes du type ‘Sublime Harmonie’. La référence ‘Soprano’ a deux claviers de 50 et 52 lames pour seulement 38 et 39 lames pour la dénomination ‘Sublime Harmonie’. Le cartel ‘Sublime Harmonie Piccolo’ est un modèle ‘Soprano’ auquel est adjoint une gamme piccolo mais qui peut être présentée sous la forme d’un clavier supplémentaire ou d’un seul grand clavier intégrant le deuxième clavier de la ‘Sublime Harmonie’ et le clavier ‘Piccolo’.

Catalogue Mermod Frères n°30 de 1891 – 1892, (page 12). Calibre Idéal à cylindre de rechange de 28,5cm.

Catalogue non identifié, faute de page de couverture, (page 6).

Catalogue de la Manufacture Générale de Boîtes à Musique Gueissaz Fils & Cie à L’Auberson. Page 11. Intéressante description du genre musical qui est proposé, à une autre page du catalogue, avec accompagnement de timbres et tambour.

Fac-similé du catalogue de la manufactureCharles Ullmann, page 25.

Fac-similé du catalogue de la manufacture Charles Ullmann, page 27. Entre les pages 25 et 27, le fabricant détaille les variétés de finition qu’il propose pour ses cartels de type ‘Sublime Harmonie’.

Fac-similé du catalogue de la manufacture Jules Cuendet. Il utilise le vocable ‘Sublime Mélodie’ mais la description de son modèle ne fait aucun doute : c’est le genre ‘Sublime Harmonie’ qu’il copie.

Catalogue du revendeur E. Bertoli fils à Saint-Pierre d’Allevard (Isère) page 8.

 

On peut aujourd’hui affirmer que le genre ‘Sublime Harmonie’ a marqué une étape dans l’évolution de la boîte à musique et, d’une certaine manière, un renouveau même si le genre n’a pas éclipsé le recours à la gamme simple.

Il a trouvé les faveurs du public au point d’être repris et copié par la plupart des grands fabricants.

Charles Paillard a, dans la première moitié de cette décennie 1870 -1880 analysé et bien compris toutes les avancées techniques réalisées dans la fabrication des boîtes à musique. Il a synthétisé les possibilités qu’elles offraient et réussi à les utiliser d’une manière novatrice.

Notes

[1] Il n’est pas à confondre avec un contemporain Charles Auguste Paillard originaire de Neuchâtel, horloger inventeur installé à Genève.

[2] Les claviers aux lames très serrées type 4 airs (cyl 20cm) ou type 6 airs (cyl 26cm) ont, dès 1860, cédé la place à des claviers de ce type et il n’a pas échappé à Ch. Paillard que ceux-ci en devenaient plus sonores.

[3] Il est intéressant de rappeler que les boîtes à musique dites ‘Alternate tip ou à lames sympathiques’ sont pensées sur le principe exactement inverse de celui de la ‘Sublime Harmonie’. Le genre joue sur la mise en vibration d’une lame contiguë et de même ton par sa voisine identique.