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rédaction collective

♦ Article paru dans le n° 93 de la Revue Musiques Mécaniques Vivantes de l’AAIMM ♦

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Notre périple démarre dès le samedi matin où nous sommes accueillis par Colette et Michel Trémouille qui nous reçoivent dans le bâtiment construit tout exprès pour héberger leur orgue de résidence Æolian (un historique et un descriptif de cet orgue ont été présentés dans Musiques Mécaniques Vivantes n° 91).

C’est un véritable concert qui nous est offert à la fois en jeu automatique et en jeu manuel grâce à la présence de Vincent Rigot, organiste titulaire de l’orgue Aubertin à l’église Saint- Louis-en-l’Ile de Paris.

Cet orgue Æolian, construit en 1913, a été complètement restauré ; il joue un répertoire essentiellement classique grâce à des rouleaux perforés de 116 notes (2 fois 58 notes sur 2 claviers).

Poursuivi par son lourd passé d’informaticien, Michel n’a pas pu résister à adjoindre à l’instrument un système MIDI ce qui ouvre de nouveaux univers musicaux permettant notamment de faire des arrangements combinant orgue, piano et accordéon.

Au programme de la matinée : (Cliquez sur le titre pour voir la vidéo)

  • « Cavalleria rusticana » de Pietro Mascagni (jeu automatique).
  • « Menuet gothique » de Boellmann interprété par Vincent Rigot .
  • « Concerto pour piano, 3e mouvement » d’Edvard Grieg ; la partition piano est jouée sur le piano et les différents instruments de l’orchestre (flûte, clarinette, violons, etc…) sur l’orgue.
  • « Bethena, Valse lente » de Scott Joplin interprété au piano par Alain Gaullier.
  • « Ring Out, Wild Bells » de Charles Gounod (jeu automatique) ; ce rouleau met p articulièrement en valeur le carillon intégré à l’orgue Aeolian.
  • « Sortie » de Lefébure – Wély interprété par Vincent Rigot.
  • « Variations Symphoniques » de César Franck interprété à l ’orgue et au piano par Vincent Rigot ; non, Vincent n’a pas de don d’ubiquité mais ce fût une performance remarquable que de jouer en direct la partition piano accompagnée par la partition orgue qu’il avait enregistré en midi la veille au soir.
  • « Samba – Ole guapa », un fichier midi DECAP arrangé pour orgue Aeolian, piano et accordéon ; on croirait presque entendre un orgue DECAP !
  • « Let’it be » des Beatles, arrangement pour orgue piano et accordéon fait à partir d’un fichier midi téléchargé sur Internet.

Le concert se termine par un apéritif convivial au son d’un orgue Verbeeck 45 touches et d’un piano/mandoline Western Electric pendant que des passionnés continuent à découvrir quelques rouleaux en jeu automatique sur l’orgue Æolian.

Notre samedi après-midi est consacré à deux hauts lieux proposés par la ville de Douai pour notre groupe de passionnés de musique mécanique :

  • L’orgue Cavaillé-Coll de la collégiale Saint-Pierre.
  • Le carillon de 62 cloches du beffroi de l’hôtel de ville.

L’orgue de la collégiale Saint-Pierre à Douai

Denis Tchorek, l’organiste titulaire, nous accueille et nous conte l’histoire de cet instrument.

L’Eglise-Collégiale Saint-Pierre fut terminée en 1750. C’est la plus grande église du diocèse de Cambrai. Son architecture ne manque pas d’élégance et la richesse de son mobilier et de ses tableaux du XVIIIe siècle en font un témoin privilégié de l’époque classique. En 1792 le Conseil de Fabrique de la Collégiale réussit à obtenir le Grand Orgue de l’Abbaye d’Anchin, superbe instrument d’environ 60 jeux, 4 claviers manuels dont deux de 5 octaves (Fa-Fa) enchâssé dans un immense et élégant buffet en chêne, sculpté par Antoine Gillis de Valenciennes sur les plans et dessins des moines eux-mêmes. Cet orgue, plusieurs fois relevé par François- Joseph Carlier, facteur d’orgues à Douai jusqu’en 1850, était encore à peu près intact de ses jeux du XVIIIe siècle jusqu’en octobre 1918 où il fut malheureusement la victime du pillage systématique de la ville organisé par l’armée d’occupation avant son départ.

En 1920, des pourparlers furent engagés avec la Maison Mutin-Cavaillé-Coll de Paris pour faire installer à l’intérieur du buffet ancien un Grand Orgue de 68 jeux quatre claviers qui avait été commandé vers 1910 pour la Grande Salle de Concert du Conservatoire Impérial de Saint-Pétersbourg, en Russie. Terminé en 1914, la déclaration de guerre puis la révolution de 1917 firent renoncer à sa destination première et durant toutes les hostilités il resta monté dans le Hall de la Maison Cavaillé- Coll. Transféré à Douai, il est inauguré le dimanche 12 novembre 1922 par Louis Vierne.

Très empoussiéré à la suite des grands travaux entrepris dans l’église en 1964-65, la municipalité a décidé un grand relevage de l’instrument en 1983 par tranches annuelles avec les précieux conseils de l’Association A. Cavaillé-Coll de Paris, travaux confiés à Jean Pascal. En 1986 s’achevait la réfection des 2e et 3e claviers pour la plus grande satisfaction du titulaire et des élèves du Conservatoire pour qui cet orgue prestigieux reste un instrument de travail privilégié. A la suite d’un important dossier monté en 1998-1999, l’instrument fut classé en mars 2002.

 

Afin d’illustrer quelques facettes des sonorités de ce Grand Orgue, Denis Tchorek interpréta “Nun komm der Heiden Heiland” de JS Bach et trois extraits de la Suite Gothique de Léon Boëllmann : la “Prière à Notre Dame” suivie de “Choral” et “Menuet Gothique”.

Par petits groupes, nous avons ensuite pu accéder à la tribune pour voir la console et visiter en partie l’intérieur de l’orgue afin d’observer de près les tuyaux, souffleries, porte-vents et transmissions, pneumatique et directe, de ce grand instrument manuel plein de mécanique.

Après cet instant musical complété pour les plus curieux par une visite de la tribune pour découvrir la console et l’intérieur de l’orgue, nous nous rendons vers le beffroi situé à quelques pas de la collégiale.

Le beffroi de Douai se dresse au centre du bâtiment de l’hôtel de ville avec lequel il forme un ensemble architectural relativement homogène. La façade principale plonge le visiteur dans une autre époque, le Moyen-Age qui fut aussi celle de l’apogée du gothique. La flèche du beffroi est remarquable avec ses 54 soleils dorés et le grand lion des Flandres (près de deux mètres !) trônant au sommet de l’édifice avec les armoiries de la ville entre les pattes (voir la galerie de photos sur ce site internet ).

La visite du beffroi permet de découvrir au premier étage la salle des gardes avec sa cheminée monumentale (1390) ; le sol de cette salle est constitué d’une immense photo du plan relief de la ville de Douai permettant de resituer l’édifice dans son histoire.

Au second niveau, la salle des sonneurs abrite l’horloge mécanique et automatique du carillon utilisée jusqu’en 1859 ainsi qu’une maquette permettant de comprendre le mode de fonctionnement du carillon ; cette salle présente aussi la famille Gayant, célèbre famille de géants objet d’une fête annuelle début juillet.

La chambre des cloches, au troisième étage, abrite le carillon de 62 cloches et la cabine du maître-carillonneur. Un escalier en colimaçon nous amène à la plateforme du haut de laquelle on peut admirer l’ensemble de la cité flamande, au terme d’une ascension de 195 marches !

Le carillon actuel date de 1954, mais ses deux bourdons « Joyeuse » et « la Disnée » remontent à 1924.

Tous les quarts d’heure une ritournelle différente égaye les rues du centre-ville : à l’heure, l’air des puritains d’Ecosse ; aux quarts, le thème de l’air de Gayant et à la demie, la barcarolle de Marie.

Pour conclure cette visite, Stefano Coletti, maître carillonneur de la ville de Douai et professeur de carillon au Conservatoire à rayonnement régional de Douai, nous propose une brillante démonstration du carillon avec cette technique de jeu si particulière à l’instrument.

Pour l’anecdote, rappelons que dans le célèbre film ‘Bienvenue chez les Ch’tis’, c’est Stefano Colletti qui joue la doublure de Dany Boon au clavier et c’est bien le carillon de Douai que l’on entend et non celui de Bergues.

 

 

 

 

 

 


Le point de chute de ce dimanche matin n’est autre que la Ferme des Orgues de Patrick Desnoulez, l’endroit incontournable de toutes bonnes visites dans le Nord. Pour ceux qui ne s’y seraient plus rendus récemment, sachez que l’endroit s’est agrandi d’une lumineuse salle d’une soixantaine de mètres carrés où Patrick a installé le bar (licence 4 !) et où il accueille les visiteurs et peut les préparer à l’entrée dans la grande salle.

L’activité de restauration et de vente de notre hôte assure à chaque visite la joie d’une nouvelle mise en valeur des collections par la redisposition des instruments, la tristesse du départ de certains et la joie de l’arrivée de nouveaux.

Ainsi l’orgue Mortier 92 touches de 1925 que nous vous avions présenté dans MMV 79 a quitté le parterre pour prendre de la hauteur sur la mezzanine. Ce relatif éloignement n’apporte que des bénéfices acoustiques, la musique emplit mieux l’espace et le public n’est qu’indirectement pris par le son qu’il reçoit de façon plus globale et non ‘agressivement’ de face. Pour un puissant instrument tel que celui-ci, c’est beaucoup plus agréable. Les orgues de danse n’étaient-ils pas souvent surélevés sur une estrade dans les bons établissements ou sur les champs de foires !

Le grand fotoplayer ‘Wurlitzer’ a quitté la ferme et trouvé un foyer définitif dans un grand musée. Il est remplacé par un autre, plus petit, mais qui mérite que l’on s’y attarde. Celui-ci est un ‘Reproduco pipe organ’ du fabricant Operators’ Piano Company de Chicago ; il était destiné aux petits cinémas ou théâtres mais aussi aux funérariums. L’instrument se compose d’un piano, d’une rangée de grosses basses situées à l’arrière du piano (ce qui donne une profondeur importante au meuble) et, en accompagnement, deux rangs de flûtes disposées dans la partie inférieure du piano. Le panneau avant de protection comporte des jalousies qui s’ouvrent et se referment pour créer un effet sonore ‘Piano-Forte’. L’accompagnement est constitué d’un jeu de flûtes ouvertes en métal et d’un quintadena ou quintaton, un jeu de flûtes en bois, étroites et fermées. Celui-ci a la particularité de faire entendre, en plus de la fondamentale une quinte nettement marquée (3e harmonique). L’instrument a, de ce fait, une sonorité très typée rarement rencontrée dans les instruments mécaniques.

Le piano comporte deux claviers, celui du dessus commande le jeu de flûtes et celui du bas le piano. En jeu manuel, le musicien peut choisir de ne jouer que le piano ou l’orgue ou bien les deux ensembles et pour la partie orgue d’affiner sa sélection à l’un ou l’autre des trois registres grâce aux manettes disposées de part et d’autre du clavier. En mode automatique, ces choix sont guidés par le rouleau de papier à musique. A noter la particularité de pouvoir jouer deux types de rouleaux : les rouleaux O.S (Organ Series) et N.O.S (New Organ Series). Les N.O.S défilent à une vitesse deux fois moindre que les O.S et donc pour un même métrage de papier (qui fixait le prix du rouleau) il y a une durée double de musique. Ce n’est pas le moteur qui tournait deux fois moins vite mais la courroie d’entrainement qui passait d’une petite poulie à une plus grande.

Sans doute jamais commercialisé en Europe, cet instrument rencontre un franc succès commercial aux USA. On évalue à un bon millier le nombre d’instruments de ce type construits pour les trois différents modèles qui ont existés : le Super Reproduco, le Super Junior Reproduco et le Reproduco Organ.

La visite se poursuit par un intéressant orchestrion Solophone de Pierre Eich. Enfant d’un père forain allemand et d’une mère liégeoise, sa famille s’installe à Gand en Belgique. Passionné de mécanique, sa carrière débute par des recherches et des améliorations dans le domaine des moteurs à explosion destinés à l’aviation. Il déposera même quelques brevets dont un pour une ébauche de moteur à piston rotatif qu’il revendra ensuite et dont le principe sera développé et finalisé pour l’automobile par Felix Wankel. L’aventure aéronautique se termine en 1911 par la vente de ses parts à son associé. Il se lance dans la fabrication d’orgues mécaniques puis de pianolas et d’orchestrions. Chose peu connue, même de David Bowers qui n’en fait pas mention dans son encyclopédie, mais derrière le nom Pierre Eich se cache un père et un fils ! Le père né en 1867 décède en 1927 ; le fils né en 1903 décède en 1951. La plupart des orchestrions emblématiques de la maison Eich ‘Super Violon’, ‘Solophone’ ou ‘Piano  Jazz’ ont été produits dès les années 1920 et s’est poursuivi durant les années 1930. Pére et fils y ont donc travaillé de pair. Aussi entreprenant que son père, le fils évolue aussi avec son temps et crée en 1929 la société Discophone. Il sort un juke-box à 48 sélections de 78t qui sera présenté en 1931 à la foire de Paris. Après-guerre, il produit, en 1948, un nouveau modèle : le Goliath. A son décès, son fils Albert poursuit l’activité et crée, en 1956, le Maestro, un juke-box à 80 sélections pour disques 45t. Au décès d’Albert, les affaires cessent définitivement.

Les puristes parmi nous n’auront pu que se délecter du piano Accordeo Jazz Seybold et de son système musical expressif d’origine. Cette amélioration musicale n’était pas montée sur tous les pianos fabriqués par le génial René Seybold, inventeur aussi des accordéons Magic Organa. Ceux et celles qui souhaiteraient approfondir leur connaissance sur cet instrument rare et très élaboré reliront l’excellent article publié dans MMV 26 (2e trimestre 1998) par Antony Chaberlot.

Déjeuner à Nieppe

Nous nous retrouvons dans un estaminet flamand pour le déjeuner, il sera joyeux et animé par les talents qui composent notre assemblée.